Neuf comédiens sont nécessaires pour jouer cette pièce, auxquels on peut ajouter une poignée de figurants qui n’apparaissent que dans le tableau final (Acte V scène 7).
La liste en est la suivante :
Portraits | Désignation | Relation |
Monsieur Laplume | Bourgeois | |
Monsieur Laplume frère | Frère du précédent |
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Isabelle | Fille du 1er M. Laplume |
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Toinette |
Servante du 1er M. Laplume |
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Clitandre Lebec |
Amant d’Isabelle |
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Passapoil | Valet de Clitandre Lebec |
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Maître Lumière |
Notaire fourbe |
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De Gaze |
Mauvais garçon, complice de Lumière | |
Lallumé | Mauvais garçon, au service de De Gaze |
Autre présentation des relations :
Ses auxiliaires sont Maître Lumière, De Gaze et Lallumé |
M. Laplume a des projets
qui menacent le bonheur...
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Ses contradicteurs sont Passapoil, Toinette et M. Laplume frère |
... d’Isabelle et Clitandre |
Le rôle le plus important de la pièce est tenu par Passapoil au service de Lebec (Clitandre, de son prénom).
Passapoil est quasi omniprésent. Il apparaît dans 20 scènes et, quand il n’est physiquement sur les planches, on évoque souvent ses frasques !
Six monologues lui sont consacrés :
À cela s’ajoute une chanson (Acte IV scène 1) et de nombreux apartés.
Pour se faire une idée du personnage on retiendra les portraits qu’en font M. Laplume frère et Toinette.
M. LAPLUME FRÈRE (s’adressant à M. Laplume)
On ne rit pas de vous, mais votre domestique
Exprimait en sortant un si grand désespoir
Qu’on ne put s’empêcher de pouffer à le voir ;
Le ventre ballonnant, la face colorée,
De gros yeux globuleux, humectés de rosée,
Le nez comme une éponge imbibée de gros vin,
Voilà tout le portrait d”un ivrogne bon teint...
Monsieur, me direz-vous enfin ce qui se passe
Pour qu’on trouve en ces lieux cette amphore à vinasse ?
Sans vouloir vous fâcher, ce n”est point la façon
D’élever comme il faut le train de sa maison.
Et bien que n’accordant que mépris au paraître,
]e sais qu’au serviteur on aligne le maître.
Choisissez un laquais fidèle et dévoué,
Vous serez gentilhomme, envié, respecté.
Choisissez un ivrogne, il vous rend ridicule
Et fait de vous, Laplume, une pâle plumule.
Toinette quant à elle, après s’être plainte de sa « lubricité », reconnaît toutefois qu’il « Est homme d’expérience » et que « S’il n’avait été là nous serions sans défense. »
Mais c’est surtout le monologue (Acte I scène 3 ) qui le dépeint de la plus savoureuse manière : Passapoil est bien le digne héritier des Sgnanarelle, Scapin et consorts...
PASSAPOIL (seul en scène)
Peste soit du bourgeois ! Cet affront crie vengeance
Quoi ! Bafouer ce nom, fierté de ma naissance,
Qui donnait du panache à mes nobles actions,
Vouer au ridicule, tourner en dérision
Ce qui dans les tripots faisait ma renommée
Chaque fois qu’au comptoir on offrait la tournée,
Enfin pour Bourguignon écarter Passapoil
Me font, Monsieur Laplume, ébouriffer les poils...
Père, toi dont l’amour pour le jus de la treille
M’avait fait engendrer au milieu des bouteilles,
Toi qui ne désertais l’office de Bacchus
Que pour te dégriser dans les bras de Vénus,
Soutiens ce digne fils qui suit ton bel exemple,
Vouant le même culte au dieu du même temple...
Et j’en appelle à vous, cochers, valets, laquais,
Domestiques mes pairs, subtils gens de palais,
Vous qui habilement saviez plaider les causes
Du somme réplétif et des mets qu’on arrose,
Dans cette épreuve extrême, en ce pressant besoin,
Oui, j’en appelle à vous, Sganarelle et Scapin,
Insufflez-moi l’esprit d’une belle vengeance
Pour punir ce bourgeois de son outrecuidance...
Mais la bile m’échauffe, évitons d’exploser
Car ce n’est jamais bon... surtout avant dîner.
À nous poulet rôti à la peau croustillante !
Toinette, quant à elle, est une accorte domestique dans la pure lignée des servantes du théâtre de Molière.
Elle a bien entendu la langue bien pendue ! Habile, subtile, insolente et railleuse, elle saura par un adroit subterfuge ramener M.Laplume à la raison et permettre les épousailles de ses protégés, les jeunes Isabelle et Clitandre.
En somme, Toinette et Passapoil forment un duo redoutable à la verve piquante et joyeuse.
Comme le Monsieur Jourdain du “Bourgeois gentilhomme” de Molière, M.Laplume a « des visions de noblesse » Mais contrairement au père de Lucile qui est prêt à sacrifier sa fille pour assouvir ses désirs de grandeur en lui faisant épouser le fils du Grand Turc, le père d’Isabelle ne songe qu’au bonheur de sa fille (cf. Acte III Scène 2) :
M. LAPLUME FRÈRE
Que cherchez-vous, enfin ?
M. LAPLUME
Le bonheur d’Isabelle.
Mais ce bonheur, Isabelle ne pourra l’acquérir qu’en changeant de nom :
M. LAPLUME
Car ce n’est que d’un nom que ma fille a besoin...
C’est que ce bourgeois avisé qui a su faire fructifier son affaire comme se plaît à le souligner son frère (Acte IV scène 2) :
M. LAPLUME FRÈRE
Vous êtes de raison autant que de mérite,
Et vos biens jusqu’ici ont toujours prospéré
Par un bon jugement, précis et pondéré.
... ce M. Laplume donc, est hanté par son nom... qu’il exècre ! (cf. Acte I Scène 6)
M. LAPLUME FRÈRE
Mais quand donc serez-vous enfin débarrassé
De ce profond dégoût du nom que vous portez ?
Et ce jeune frère, M. Laplume frère, qui pourtant a dilapidé sa part d’héritage, peut donner des leçons à son aîné « dont la vie est en tout point exemplaire » (Acte III Scène 2) mais dont l’esprit déraille : « Mais de votre santé il faut que l’on s’inquiète... ». (cf. Acte I Scène 6)
M. LAPLUME FRÈRE
Je m’appelle Laplume, eh bien oui, j’en conviens
Et j’ai beau être gros, Laplume me va bien..
Évidemment, ce ne serait que « pipi d’oiseau » si l’amant d’Isabelle n’était un certain Lebec...
La plupart des comédies de Molière sont construites autour d’une ou plusieurs intrigues amoureuses. En résumé, deux jeunes gens s’aiment et voudraient s’épouser mais leur dessein est contrarié par l’extravagance d°un père ou d’une mère possédé·e par sa passion ou sa folie. C’est Lucile, fille de M. Jourdain (“le Bourgeois gentilhomme”), amoureuse de Cléonte mais que son père veut forcer à épouser le fils du Grand Turc ; Henriette, fille de Philaminte (“Les Femmes savantes”), amoureuse de Clitandre, que sa mère veut forcer à épouser Trissotin ; Mariane, fille d’Orgon, amoureuse de Valère que son père veut forcer à épouser Tartuffe...
Il n`est donc pas surprenant de retrouver dans « Plumaison », qui s’inspire ouvertement des comédies de Molière, le duo Isabelle / Clitandre : Isabelle, fille de M. Laplume, est amoureuse de Clitandre mais son père qui « ne pense qu’à son bonheur », veut la forcer à épouser un certain De Gaze afin que celui-ci lui apporte un nom jugé un peu plus... honorable que le sien.
Voilà bien une jeune fille heureuse (Acte IV scène 4) :
ISABELLE
...Car je suis, mon cher père, infiniment heureuse,
Et puisqu“il m’est donné de le faire aujourd’hui,
De cœur je vous embrasse et vous dis “grand merci”.
Car M.Laplume aime sa fille d°un amour inconditionnel (Acte IV scène 4) :
ISABELLE (parlant d’elle-même à son père)
Vous répondiez toujours à ses moindres désirs...
Exprimait-elle un vœu, elle n’avait qu’à choisir...
Et vous lui composiez les plus belles toilettes,
Arrangiez ses cheveux : boucle d’or et frisettes.
Vous l’appeliez Marquise, Armande ou Pompadour,
J’étais une princesse en ses plus beaux atours.
Isabelle, heureuse et ... amoureuse (Acte II scène 2) :
M. LAPLUME FRÈRE
Ma nièce... ta,ta,ta... votre bouche rieuse
Le dit assez pour vous, vous êtes amoureuse.
Plumaison, drame de la paternité ? M. Laplume, un père Goriot ?
Isabelle devra choisir : entre l’amour excessif d”un père (Acte IV scène 4)...
M. LAPLUME
Oui, je comprends, ma fille, on veut que je sois fou,
Mais vous serez heureuse, et cela malgré vous...
... et l’amour qu”elle éprouve pour son cher Clitandre...(Acte V scène 1)
ISABELLE
Clitandre, dites-moi, pourquoi faut-il toujours
Qu’on brise les élans des plus nobles amours ?
Clitandre, « étudiant en basoche », est un jeune homme « aimable », qui ne manque pas d’audace mais dont l’impétuosité naturelle le conduit à commettre des impairs.
Pour sauver son amour, il envoie Passapoil espionner la maison de M. Laplume, n’hésite pas à affronter son rival, le sinistre de Gaze, et à mobiliser ses amis comédiens (Acte V scène 1) :
CLITANDRE
... J’y ai quelques amis
Étudiants basochiens, dévoués et fidèles...
Heureusement pour nos deux amoureux, Toinette et Passapoil sont vigilants.
Les gredins en question s’appellent Maître Lumière, De Gaze et Lallumé.
Voilà des noms empreints d’ironie pour désigner les membres de ce trio composé (antiphrase !) de sombres canailles ; on peut aussi y voir l’expression du caractère ludique propre à la comédie : Lebec est le rival de De Gaze (cf. le bec de gaz), Lallumé peut se comprendre de multiples façons (!) ; quant à Maître Lumière, tiendrait-il (très modestement) de Lucifer, à moins que son esprit ne soit tout simplement bien... confus ?
Toinette ne mâche pas ses mots à son sujet (Acte IV scène 1) :
TOINETTE
Mais pour cette vermine on prend bien trop de soin.
Quand j’en vois d’ordinaire, aussi vrai, je l’écrase.
Passapoil ne s’y trompe pas (Acte IV scène 1) :
PASSAPOIL
Il est noble sans doute autant que je le suis...
(...)
Un fourbe plus méchant, crois-moi, qu’une pustule,
Qui connaît les bas-fonds et tous les cabarets...
De Gaze s’exprime on ne peut plus clairement (Acte V scène 6) :
DE GAZE
Tout ceci me déplaît : vrai de vrai, je préfère
Gagner ma vie aux dés...
Passapoil met De Gaze et Maître Lumière dans le même sac (Acte III scène 5) :
PASSAPOIL
... de Gaze et vous, Maître Lumière
Gardez-vous à présent, mes sinistres compères...
Maître Lumière avoue clairement ses desseins (Acte V scène 6) :
MAÎTRE LUMIÈRE
Je dépouille Laplume et laisse le duvet
De l’oiselle à Monsieur...
Il faudra effectivement toute la sagacité de Toinette et la présence d°esprit de Passapoil pour déjouer le complot ourdi par ces sinistres compères.
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Dernière main : 24 août 2019 — © Guy Lejaille — Conception : Piteur